"Toute société qui produit de l'ignorance est une vraie société qui enchaîne! donc une société sans éducation est une société qui enlève à l'humain son humanité!" Tariq Ramadan
samedi 4 octobre 2014
Abraham doit apprendre à faire le sacrifice de son fils
Le feu, le couteau, l’animal. L’homme gravit la montagne, ou bien descend dans la caverne – le mouvement revient au même : aller au bout, faire face à l’Imprononçable, accomplir le geste qui témoigne du lien avec Dieu.
Et son geste est cérémonie, sacrifice et salut. En évoquant le sang qui coule dans les corps et hors des corps, il accompagne, invoque, assure la transmission de la vie, d’un vivant à l’autre et dans les siècles des siècles, via l’invisible donneur et ordonnateur de vie.
Et la parole est au service de l’événement, elle le contient comme le lit l’eau de la rivière, et l’événement est dans la parole, c’est en elle qu’il se produit. Sans la parole il n’y aurait ni sacrifice ni nourriture, ni esprit ni vie, rien ne serait.
Il s’agit de traverser en soi le désir de mort, d’aller jusqu’au bout, non pas de façon asservie à la mort, de façon insensée et vaincue d’avance, dans un égarement ou une maîtrise de soi par soi, mais tout au contraire dans la maîtrise de soi par Dieu. S’abandonner à Dieu, lui faire confiance, se laisser guider entièrement par lui. Lui qui sait, lui qui sonde nos cœurs et nos reins, lui qui connaît le chemin pour venir jusqu’à lui, Vie éternelle.
C’est exactement ce que fait Abraham. Il se laisse connaître, il se laisse révéler, il se laisse instruire. Chaque fois la vérité aussi se fait plus proche. Plus un père est père, plus il est puissant, et plus il lui faut renoncer au désir d’être pour son fils un dieu, renoncer au désir d’empêcher son fils de se détacher de lui et d’être à son tour un homme accompli.
Renoncer au désir de mainmise. Qui est un désir de mort. Qui est le fait de ne vouloir pour son enfant que le bien qu’on lui aura accordé soi-même. C’est le principe de nos sociétés occidentales comme de tous les pouvoirs corrompus, partout dans le monde où la jeunesse et l’avenir se trouvent de fait empêchés, condamnés. Ici et là des pouvoirs politiques ont asservi les âmes par la dépendance à la consommation de nourritures terrestres et spirituelles empoisonnées ; des pensées sans vision ont convaincu les hommes d’insignifiance, de désespérance, de relativisme, d’irresponsabilité, d’impunité ; le monde industriel et financier a chosifié l’homme, détruit la nature, achevé d’instaurer le règne du nihilisme. Tandis que des hommes se souviennent d’Abraham et essaient de retrouver son chemin d’humanité, souvent à tort et à travers, dans la confusion générale du sens.
Mais pour l’heure Abraham, comme il l’a fait toute sa vie, obéit à la voix de Dieu. Me voici. Et voici la scène la plus cruelle et la plus paisible de toute l’histoire des hommes. Sur ordre de Dieu, Abraham retient sa main. La scène se déroule dans l’intimité, elle n’a pas besoin d’autre témoin que la pierre où elle a lieu et l’ange de Dieu, le texte qui la raconte en nous.
Abraham doit apprendre à faire le sacrifice de son fils. À renoncer à la toute-puissance de sa paternité. Le couteau va trancher le lien de dépendance entre le père et le fils. C’est un déchirement pour le fils aussi, c’est un risque, mais il le sait nécessaire, et il accepte, il y va. En le donnant à Dieu, le père le détache de lui et le donne à la vie. Le bélier qui sera finalement tué dans l’opération, c’est lui-même, Abraham, ou plutôt la part de lui qui est pouvoir et puissance, privilèges de patriarche auxquels il lui faut renoncer pour laisser la place aux générations suivantes.
Il est monté au sommet de la foi, de l’obéissance, du renoncement, il a écouté la voix de Dieu à l’arrivée comme au départ ici, et dans toutes les étapes de son pèlerinage à la source de l’être. Il vient d’accomplir sa dernière mission, qui était de faire signe aux hommes qu’ils ne doivent pas tuer l’avenir, mais la force imbécile en eux, les cornes de leur volonté de puissance, par où ils s’empêtrent dans les buissons du Vivant. De leur faire signe que le chemin de l’homme est un apprentissage du détachement, de l’amour accompli dans un détachement accepté et assumé, de l’amour qui laisse la voie libre à la vie.
Le feu, le couteau, l’animal. L’homme gravit la montagne, ou bien descend dans la caverne – le mouvement revient au même : aller au bout, faire face à l’Imprononçable, accomplir le geste qui témoigne du lien avec Dieu.
Et son geste est cérémonie, sacrifice et salut. En évoquant le sang qui coule dans les corps et hors des corps, il accompagne, invoque, assure la transmission de la vie, d’un vivant à l’autre et dans les siècles des siècles, via l’invisible donneur et ordonnateur de vie.
Et la parole est au service de l’événement, elle le contient comme le lit l’eau de la rivière, et l’événement est dans la parole, c’est en elle qu’il se produit. Sans la parole il n’y aurait ni sacrifice ni nourriture, ni esprit ni vie, rien ne serait.
Il s’agit de traverser en soi le désir de mort, d’aller jusqu’au bout, non pas de façon asservie à la mort, de façon insensée et vaincue d’avance, dans un égarement ou une maîtrise de soi par soi, mais tout au contraire dans la maîtrise de soi par Dieu. S’abandonner à Dieu, lui faire confiance, se laisser guider entièrement par lui. Lui qui sait, lui qui sonde nos cœurs et nos reins, lui qui connaît le chemin pour venir jusqu’à lui, Vie éternelle.
C’est exactement ce que fait Abraham. Il se laisse connaître, il se laisse révéler, il se laisse instruire. Chaque fois la vérité aussi se fait plus proche. Plus un père est père, plus il est puissant, et plus il lui faut renoncer au désir d’être pour son fils un dieu, renoncer au désir d’empêcher son fils de se détacher de lui et d’être à son tour un homme accompli.
Renoncer au désir de mainmise. Qui est un désir de mort. Qui est le fait de ne vouloir pour son enfant que le bien qu’on lui aura accordé soi-même. C’est le principe de nos sociétés occidentales comme de tous les pouvoirs corrompus, partout dans le monde où la jeunesse et l’avenir se trouvent de fait empêchés, condamnés. Ici et là des pouvoirs politiques ont asservi les âmes par la dépendance à la consommation de nourritures terrestres et spirituelles empoisonnées ; des pensées sans vision ont convaincu les hommes d’insignifiance, de désespérance, de relativisme, d’irresponsabilité, d’impunité ; le monde industriel et financier a chosifié l’homme, détruit la nature, achevé d’instaurer le règne du nihilisme. Tandis que des hommes se souviennent d’Abraham et essaient de retrouver son chemin d’humanité, souvent à tort et à travers, dans la confusion générale du sens.
Mais pour l’heure Abraham, comme il l’a fait toute sa vie, obéit à la voix de Dieu. Me voici. Et voici la scène la plus cruelle et la plus paisible de toute l’histoire des hommes. Sur ordre de Dieu, Abraham retient sa main. La scène se déroule dans l’intimité, elle n’a pas besoin d’autre témoin que la pierre où elle a lieu et l’ange de Dieu, le texte qui la raconte en nous.
Abraham doit apprendre à faire le sacrifice de son fils. À renoncer à la toute-puissance de sa paternité. Le couteau va trancher le lien de dépendance entre le père et le fils. C’est un déchirement pour le fils aussi, c’est un risque, mais il le sait nécessaire, et il accepte, il y va. En le donnant à Dieu, le père le détache de lui et le donne à la vie. Le bélier qui sera finalement tué dans l’opération, c’est lui-même, Abraham, ou plutôt la part de lui qui est pouvoir et puissance, privilèges de patriarche auxquels il lui faut renoncer pour laisser la place aux générations suivantes.
Il est monté au sommet de la foi, de l’obéissance, du renoncement, il a écouté la voix de Dieu à l’arrivée comme au départ ici, et dans toutes les étapes de son pèlerinage à la source de l’être. Il vient d’accomplir sa dernière mission, qui était de faire signe aux hommes qu’ils ne doivent pas tuer l’avenir, mais la force imbécile en eux, les cornes de leur volonté de puissance, par où ils s’empêtrent dans les buissons du Vivant. De leur faire signe que le chemin de l’homme est un apprentissage du détachement, de l’amour accompli dans un détachement accepté et assumé, de l’amour qui laisse la voie libre à la vie.
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