Sourate Yoûssouf versets 7 à 33
L’épreuve de l’amour
Introduction :
Cette sourate relate l’histoire de Joseph (Yoûssouf), un Prophète, fils
lui-même du prophète Jacob (Ya’coub). Cette histoire va l’emmener loin
de son père, jusqu’en Egypte, avec de nombreuses péripéties. Dès le
premier verset, Dieu nous dit qu’il y a des signes dans cette histoire,
il se trouve quelque chose de tout à fait édifiant dans l’histoire de
Joseph. En fait, le caractère édifiant de cette histoire se manifeste à
travers la notion de l’épreuve de l’amour. En effet, on se rend compte à
plusieurs niveaux que l’amour peut devenir une épreuve. Certes, dans un
premier temps, l’amour pour nous tous, est quelque chose de naturel, de
pur et de beau. Or, la réalité de celui qui porte la foi, c’est
d’orienter ses sentiments dans un sens spécifique. Dans cette histoire
on se rend compte que tous les amours ne sont pas tous de la même nature
même s’ils sont tous naturels.
Les dimensions fondamentales de la relation d’amour sont présentes dans cette histoire :
Ces trois dimensions sont présentes en une seule histoire et pour
chacune de ces dimensions, on s’aperçoit qu’il y a une épreuve.
Première partie : Sourate 12 versets 7 à 14
7 Il y a vraiment en Joseph et en ses frères des signes pour ceux qui posent des questions (qui interpellent),
8 Lorsqu’ils dirent : « Joseph et son frère sont plus aimés par notre
père que nous, bien que nous soyons plus nombreux (que nous soyons un
groupe). Notre père se trouve dans un égarement manifeste.
9 Tuez Joseph ou bien éloignez-le dans n’importe quel pays éloigné, afin
que vous restiez seuls à jouir de la bienveillance de votre père, après
quoi, vous serez des gens bien considérés. »
10 L’un d’eux prit la parole en disant : « Ne tuez pas Joseph, mais
jetez-le dans les profondeurs invisibles du puits. Si vous procédez
ainsi, un voyageur le recueillera. »
11 Ils dirent : « ô notre père, pourquoi n’as-tu pas confiance en nous
au sujet de Joseph ? Nous sommes sincères vis-à-vis de lui.
12 Envoie-le demain avec nous, il s’ébattra et jouera tandis que nous veillerons sur lui ».
13 Il dit : « Cela m’attriste que vous l’emmeniez ; je crains que le
loup ne le dévore au moment où vous ne ferez pas attention à lui ».
14 Ils dirent : « Si le loup le dévorait alors que nous sommes nombreux,
nous serions des personnes diminuées en esprit (stupides) ».
Dans la révélation, se trouvent des histoires, car une histoire a deux
portes : elle a les faits que l’on peut retenir avec son esprit et elle
est un signe qu’il faut méditer avec son cour. Ici Dieu nous dit tout
d’abord qu’ il y a vraiment en Joseph et en ses frères des signes pour
ceux qui posent des questions, qui interpellent sur l’histoire de Joseph
et plus fondamentalement, sur la dimension de la gestion de ses
sentiments. L’histoire de Joseph, c’est l’histoire de la gestion de nos
sentiments. Comment gère-t-on ce que l’on peut sentir et comment ce que
l’on sent peut devenir une épreuve pour celui qui porte ces sentiments ?
C’est l’interpellation de la profondeur, de ce que nous avons dans le
cour qui va être finalement l’interpellation sur laquelle nous avons à
méditer.
Par ailleurs, on va se rendre compte que Joseph va vivre un parcours,
une initiation, le parcours d’un fils de prophète qui va vivre,
d’épreuve en épreuve, le fait de devenir lui-même un envoyé. Depuis le
début, ceci est su, entre lui et son père il y a une communication du
cour. L’histoire de Joseph, c’est l’histoire d’un cour à l’épreuve,
d’une foi à l’épreuve et d’une initiation par l’épreuve. Joseph se
rapproche de Dieu par les épreuves auxquelles il fait face.
1/ Un sentiment d’amour blessé :
Joseph et son frère sont plus aimés par notre père que nous
Tout commence par un sentiment d’amour blessé. Le premier sentiment de
ces enfants, des dix autres enfants, c’est de sentir que leur père aime
plus leurs frères qu’eux. Toute la question en Islam concernant ce
sentiment d’amour, qui est naturel pour tous les êtres humains sur la
terre, est la suivante : que font-ils de cet amour . ? Ce n’est pas que
tu aimes qui pose un problème, c’est comment tu aimes et pourquoi tu
aimes. En d’autres termes, ils vont avoir un amour blessé qui ne va pas
être géré dans la lumière de la foi mais qui va être géré dans les
profondeurs de la blessure, loin de Dieu. Il va mener les enfants vers
le pire. Ils ont senti que leur père les aimait moins, ils vont oublier
Dieu dans la gestion de ce sentiment, ils vont vouloir tuer, vouloir
éloigner, ils vont mentir. Quand ce sentiment d’amour, qui est naturel
au départ, n’est pas géré par la foi, un cercle vicieux se met en place.
Ils passent du mensonge à la volonté de tuer, à la volonté d’éloigner.
Ils vont partir complètement dans ce qui est l’ombre de la gestion de
nos sentiments.
Au contraire, Joseph, qui lui aussi vit cet amour de son père, va avoir
une toute autre attitude. Chaque fois, que son sentiment est mis à
l’épreuve, il revient à Dieu et va vivre son amour dans la lumière. On a
donc un enseignement fondamental : avec le même sentiment, on peut
aller vers le plus grand des maux ou on peut se rapprocher du Très-Haut,
en gérant ce sentiment. Qu’est ce que tu fais avec ce que tu sens ? Les
frères ne comprennent pas qu’entre le père et le fils, il n’y a pas
qu’une relation de sang, il y a une relation de foi. Le père sait qui
est son fils, son fils est un prophète, comme lui-même l’est. Joseph a
vu onze étoiles, la lune et le soleil se prosterner. Le secret de
l’amour de Jacob pour son fils, c’est qu’à la relation de sang s’ajoute
la lumière de la foi. Il aime son fils dans son sang mais dans la
spiritualité qui le rapproche de Dieu. Et ceci est une des dimensions
fondamentales de la façon dont on doit aimer ses enfants. Je ne t’aime
pas seulement parce que tu portes mon sang, je t’aime parce que tu
portes le dépôt de la foi qui est plus que le sang. Et cette relation
particulière va provoquer la jalousie de ces frères. Mais ils n’ont pas
la clé, oubliant Dieu, ils ne voient pas ce qu’il faut voir, ils vont
vivre la jalousie et le cycle de la jalousie va les amener très loin. La
blessure est telle qu’ils vont vouloir le pire, vouloir tuer leur
frère.
Ceci nous permet de mettre en évidence les deux notions suivantes :
2/ L’épreuve :
Il dit : « Cela m’attriste que vous l’emmeniez . »
Les commentateurs, dont Ibn Kathir, mettent en évidence qu’en fait, le
père aimait tellement son fils qu’il ne voulait pas le quitter. D’une
part, le père ne voulait pas qu’il s’éloigne de lui. Il existait un tel
lien avec son fils qu’il ne voulait pas le laisser, même une heure.
D’autre part, les frères étaient tellement jaloux qu’ils ne voulaient
plus le voir, ils voulaient s’en débarrasser. Dieu les a tous mis à
l’épreuve. Ils voulaient s’en débarrasser, Dieu va le mettre sur leur
route. Quant au père, qui voulait le garder, qui l’aimait tellement,
Dieu va le prendre pendant dix-huit années pour certains commentateurs,
quarante années pour d’autres, où pour ne pas avoir voulu le laisser une
heure, il va le prendre pendant quarante années. Il va le mettre à
l’épreuve. Il y a un grand enseignement dans cette histoire : Dieu met à
l’épreuve dans le mal comme il met à l’épreuve dans le bien. Jacob est
un prophète, on sait la tristesse qu’il a eue jusqu’à ce qu’il retrouve
son fils. Les frères, qui voulaient s’en débarrasser, vont vivre
l’épreuve également. Cela nous permet de mettre en évidence la notion
suivante : Dieu met les êtres humains à l’épreuve en fonction de leur
situation, qu’ils soient dans la foi ou loin de la foi. La question ce
n’est pas l’épreuve, c’est ce que tu fais de l’épreuve.
Jacob vit l’épreuve dans la patience. Ils voulaient se débarrasser de
leur frère dans l’impatience, ils oublient Dieu. Ce n’est pas parce que
nous vivons une épreuve que Dieu ne nous aime pas, peut-être le
contraire. Le Prophète Mohammed nous a dit que ceux que Dieu aimait, Il
les mettait à l’épreuve. Certains croient que, parce qu’ils vivent une
épreuve, Dieu ne les aime pas. Ils sont sûrs que Dieu ne les aime pas
par la situation dans laquelle ils vivent. Détrompez-vous. Le fait que
nous soyons à l’épreuve ne veut pas dire que Dieu nous aime ou ne nous
aime pas, Dieu a mis à l’épreuve les plus grands des prophètes. Mais
comment vas-tu vivre l’épreuve, comment vas-tu réagir ? Dieu a mis Jacob
à l’épreuve, un des grands prophètes de l’Islam, en prenant son fils.
Cela ne veut pas dire qu’Il ne l’aime pas, cela signifie qu’Il le met à
l’épreuve de sa foi. Il en est de même pour nous, chacun de nous vit des
épreuves dans sa vie personnelle. L’épreuve ne dit rien de l’amour ou
de l’éloignement de Dieu. Nous sommes des êtres humains, Dieu attend de
voir que nous vivions l’épreuve pour nous rapprocher de Lui. L’épreuve
est un signe pour se rapprocher de Dieu, ce n’est pas le signe que tu es
loin de Lui, cela dépend de ce que tu en fais.
je crains que le loup ne le dévore au moment où vous ne ferez pas attention à lui
Cette parole de Jacob n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd. Les
enfants vont vouloir par la suite faire croire que Joseph est mort. Et
Jacob leur tend une perche. Ce verset est important car, à le méditer,
on va se rendre compte qu’il y a une psychologie du mensonge.
Deuxième partie : Sourate 12 versets 15 à 22
15 Ils l’emmenèrent puis ils tombèrent d’accord pour le jeter dans les
profondeurs invisibles du puits. Nous lui avons alors révélé : « Oui, tu
leur diras plus tard ce qu’ils ont fait alors que maintenant ils n’en
ont pas conscience ».
16 Ils revinrent le soir chez leur père en pleurant.
17 Ils dirent : « ô notre père, nous étions partis pour jouer à la
course, nous avions laissé Joseph auprès de nos affaires ; le loup l’a
dévoré. Tu ne nous croiras pas, cependant nous sommes véridiques ».
18 Ils apportèrent sa tunique tâchée d’un sang trompeur. Leur père dit :
« Votre imagination vous a suggéré cela en vous faisant croire que
votre action était bonne. Belle patience ! (belle endurance, belle
persévérance) C’est à Dieu qu’il faut demander secours contre ce que
vous racontez ! »
19 Les voyageurs arrivèrent. Ils envoyèrent l’homme chargé de puiser de
l’eau, celui-ci fit descendre son seau. Il dit : « Quelle bonne
nouvelle ! Voilà un jeune garçon ! » Ils le cachèrent comme une
marchandise mais Dieu savait parfaitement ce qu’ils allaient faire.
20 Ils le vendirent à vil prix, pour quelques pièces d’argent, car ils ne voulaient pas le garder.
21 En Egypte, son acquéreur dit à sa femme : « Fais-lui bon accueil,
peut-être nous sera-t-il utile ou l’adopterons-nous pour fils ». Nous
avons ainsi établi Joseph en ce pays afin de lui enseigné
l’interprétation des récits. Dieu est Souverain en Son commandement,
mais la plupart des hommes ne savent pas.
22 Lorsqu’il eut atteint l’âge de la maturité, nous lui donnâmes la
sagesse et la science. Voilà comment nous récompensons ceux qui font le
bien.
3/ Le soutien dans l’épreuve :
Nous lui avons alors révélé : « Oui, tu leur diras plus tard ce qu’ils
ont fait alors que maintenant ils n’en ont pas conscience ».
Joseph est jeté dans le puits, Dieu le met ainsi à l’épreuve. Joseph va
suivre un parcours : il est arraché à son père, à sa terre et se
retrouve dans un puits. A ce moment-là, il a une révélation, une
inspiration :
Oui, tu leur diras plus tard ce qu’ils ont fait
Ceci signifie que Dieu est en train de révéler à Joseph qu’il ne va pas
mourir. Cette épreuve, ce n’est pas la fin de sa vie. Au moment de vivre
cette épreuve, Dieu lui envoie un signe, une révélation pour supporter
cette épreuve. Dieu nous fait vivre des épreuves et fait vivre des
épreuves même aux prophètes mais au moment où Il fait vivre l’épreuve,
Il soutient l’homme qui vit l’épreuve, soit par une inspiration, soit
par des signes. Il n’y a pas en Islam cette idée d’une épreuve tragique
où l’on est seul devant Dieu et l’on se sent complètement perdu. Dans
l’épreuve, Dieu ne fait pas supporter à un être plus que ce qu’il ne
peut supporter, et Il envoie soit une inspiration, soit un soutien. On
doit chercher ce signe que Dieu envoie, qui est comme un réconfort et
pour cela, il faut ouvrir ses yeux et son cour.
La compréhension de l’épreuve en Islam diffère de ce que l’on trouve
dans les autres textes et en particulier dans la Bible. A ce propos,
nous pouvons évoquer ici l’histoire d’Abraham selon l’Islam, qui est
vécue de façon totalement différente par rapport à ce qui est relaté
dans la tradition chrétienne ou juive :
a.. Abraham, dans la Bible, doit sacrifier son fils. Il est considéré
que c’est Isaac, alors que selon l’Islam, il s’agit d’Ismaël. Le fils
demande au père : « Mais où est l’agneau que tu vas sacrifier ? »
Abraham lui dit : « Dieu saura quel est l’objet du sacrifice ». Il ne
parle pas à son fils, il ne lui dit pas la vérité. Il se retrouve tout
seul. Un philosophe danois a écrit un livre sur toute la dimension
tragique de la solitude d’Abraham devant Dieu, entre deux amours :
l’amour du Créateur et l’amour de son enfant. Il centre son livre sur la
tragédie d’être déchiré entre deux amours et sur toute une philosophie
de l’épreuve, de la solitude et du tragique que l’on trouve dans la
tradition chrétienne. b.. Cette dimension de l’épreuve dans l’histoire
d’Abraham, dans le Coran, n’est pas du tout de même nature. Abraham
n’est pas seul, il parle à son fils et son fils lui dit :« Fais ce qui
t’ait ordonné. Tu me trouveras parmi les soumis ». Le père ne vit pas
seul le tragique, mais il trouve dans sa foi, le miroir dans la foi de
son fils qui lui dit de faire ce qui lui ait ordonné. C’est une épreuve
parce qu’il aime son fils, mais c’est une épreuve allégée par la
présence de son fils, loin du tragique. C’est à ce niveau-là qu’il faut
que nous développions nos conceptions respectives de l’épreuve car il y a
une dimension totalement différente. En Belgique, il y a quelques
années, la jeune Loubna a été tuée par un pédophile. Une marche de trois
cents mille personnes se déroula dans la rue. A un moment donné, dans
cette manifestation, le prêtre prend la parole et dit ne pas comprendre,
de la part de Dieu, qu’une telle épreuve puisse se réaliser, il se
tourne vers Dieu et il L’interpelle avec un accent de révolte. Les
musulmans présents à ce moment-là ont été choqués par cette attitude,
nous ne parlons pas à Dieu de cette façon dans notre conception. L’idée
de se révolter, de vivre dans la solitude et le tragique n’est pas
islamique car le sens même de l’épreuve est différent.
4/ La psychologie du mensonge :
Il dit : « Cela m’attriste que vous l’emmeniez ; je crains que le loup
ne le dévore au moment où vous ne ferez pas attention à lui ».
Cette parole de Jacob n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd.
Ils dirent : « ô notre père, nous étions partis pour jouer à la course,
nous avions laissé Joseph auprès de nos affaires ; le loup l’a
dévoré... »
Les frères sont blessés, ils aimeraient être aimés par leur père, mais
n’ayant pas cette maîtrise de leur amour, ils vont se retrouver à mentir
à l’être dont ils attendent l’amour. Leur jalousie va les mener à la
ruse. Ils vont mentir à leur père selon une certaine psychologie du
mensonge. En effet, ce mensonge s’appuie sur la logique de l’esprit de
celui à qui l’on s’adresse. On écoute et on dit exactement ce que l’on a
compris que l’autre pouvait admettre. On a tous cette psychologie
naturelle qui consiste à savoir que l’on ne dit pas les mêmes choses à
son père et à sa mère. Le mensonge s’appuie en général sur la vérité de
la pensée de l’autre. Quant à celui qui pourrait nous mentir, notamment
notre enfant, il s’agit de faire preuve de psychologie afin de découvrir
d’où vient l’articulation de son mensonge, pour mieux l’accompagner et
non pour le juger. Si on essaie de comprendre le mensonge, on accompagne
la personne pour le meilleur mais si on le juge, on décide pour le
définitif et ce n’est pas la situation qui est la bonne.
5/ Le rappel de Dieu :
Dans cette dimension, les frères s’oublient et la première attitude du père c’est de se rappeler.
Leur père dit : « Votre imagination vous a suggéré cela en vous faisant
croire que votre action était bonne. Belle patience ! (belle endurance,
belle persévérance) C’est à Dieu qu’il faut demander secours contre ce
que vous racontez ! »
Le père prend sur lui et le premier être de qui il attend le secours,
c’est Dieu. Ainsi, la première réaction du père consiste à demander
secours à Dieu. On constatera que son fils Joseph, au moment de
l’épreuve, agira de la même façon. L’épreuve de l’amour exige de celui
qui croit, qu’il trouve refuge en Dieu. Jacob revient immédiatement à
Dieu. Il vit l’épreuve de la séparation et quand on lui annonce la mort
de son fils, sa première attitude, c’est de chercher refuge auprès de
Dieu face à leur mensonge. Que faire quand nous vivons une épreuve dans
nos sentiments ? Jacob nous donne un élément de réponse à travers sa
réaction première : il revient immédiatement à Dieu. C’est en Lui qu’il
cherche la force parce qu’en dehors de Dieu, tu auras de la peine à
supporter l’épreuve de tes sentiments. Loin de Dieu, tes sentiments
auront la victoire sur toi, même sur ton intelligence. Belle patience !
(belle endurance, belle persévérance) C’est la manifestation d’une foi
profonde qui se rappelle et qui se confie à Celui qui est le Seul à
pouvoir le sauver de l’épreuve.
6/ Vivre l’exil, témoigner de sa foi et faire face à ses responsabilités :
Joseph vivait avec son père Jacob, un père qui dit « la ilâha illallah »
(il n’y a de dieu que Dieu), sur une terre où on dit « la ilâha
illallah ». Il va être arraché à cette famille, à cette terre. Il va
vivre un exil, par une épreuve où on le vend comme esclave. Il se
retrouve dans une famille où on ne dit pas « la ilâha illallah », où
règne le polythéisme, où il n’y a rien de ce qui concerne le Dieu
unique, là où il va pouvoir appliquer le fait d’interpréter les récits
et de dire « la ilâha illallah », de témoigner. Arraché à son père, à sa
terre, vendu pour rien, se retrouvant dans un espace où on ne dit pas
« la ilâha illallah » mais où il va en témoigner.
Il y a environ soixante ans, nos parents ont vécu exactement la même
chose avec le même sentiment. Arrachés à leur terre, ils se sont
retrouvés dans un pays où il n’y a rien de ce qui concerne le Dieu
unique, où l’on n’entend pas l’appel à la prière, où ils avaient
l’impression d’être perdu, sans vraiment savoir pourquoi ils étaient là.
Dans les larmes de ces personnes qui ont tout donné pour Dieu et qui se
retrouvent dans une contrée où personne ne dit « la ilâha illallah »,
transparaît une incompréhension face à cet exil. Ils ont quitté leur
terre pour se retrouver en exil souvent à vendre leur force de travail
pour survivre.
Par ailleurs, dans ce pays se trouve la grande séduction du confort et
des apparences. La femme d’al-’Aziz veut séduire Joseph, il vit toute
cette épreuve. Et cette épreuve, c’est la nôtre, se retrouver des
générations après, dans toute l’Europe, dix-huit millions de musulmans
dont il y a soixante ans, la majorité ne comprenait pas ce qui leur
arrivait. Et si on avait dit à nos grands-parents qu’un jour viendrait
où sur ces millions de musulmans il y aurait un réveil avec une deuxième
génération témoignant « la ilâha illallah », ils ne l’auraient pas cru.
En effet, Dieu a des plans et notre intelligence ne comprend pas
immédiatement tous les plans. Nous sommes ici pour témoigner, sans
prosélytisme, en suivant l’exemple de Joseph, qui, dans son exil, a
témoigné de sa foi.
Dans le Coran, on trouve le verset suivant : Sourate 28 verset 4
4 Pharaon s’est enorgueilli sur la terre ; il a séparé ses habitants et il en a abaissé une partie.
Ainsi, les descendants de Joseph sont devenus des habitants de la terre
d’Egypte. Dieu a fait des enfants de celui qui était exilé des habitants
de la terre d’Egypte, des citoyens égyptiens. De même, en France, les
descendants des premières générations exilées sont à présent des
citoyens français de confession musulmane.
Lorsqu’il eut atteint l’âge de la maturité, nous lui donnâmes la sagesse et la science.
Les commentateurs définissent l’âge de la maturité de différentes
manières : quarante ans d’après Al Hassan, environ trente-huit ans
d’après Ibn ’Abbas et trente-trois d’après Al Moujâhid. En d’autres
termes, l’âge de la maturité, c’est quand on commence à être adulte, et
pour Joseph, c’est l’âge où il va véritablement atteindre son statut de
Prophète. Tout au long de cette présence sur la terre d’Egypte, il est
éduqué pour devenir un sage au moment de l’accès à l’âge de maturité.
Or, dans la maturité, on prend ses responsabilités et nous sommes
aujourd’hui une communauté en Europe qui est déjà parvenue à cette
maturité et qui doit prendre ses responsabilités.
Troisième partie : Sourate 12 versets 23 à 29
23 La femme de celui qui l’avait reçu dans sa maison s’éprit de lui.
Elle ferma les portes et dit : « Me voici à toi ». Il dit : « Que Dieu
me protège ! Mon maître m’a fait un excellent accueil. Mais les injustes
ne sont pas heureux ».
24 Elle pensait certainement à lui, elle se serait donné à lui et il se
serait donné à elle (il se serait épris : aller dans son sens,
s’incliner de cour et sans doute de corps vers elle), s’il n’avait pas
vu la claire manifestation de son Seigneur. Nous avons ainsi écarté de
lui le mal et l’abomination. Il fut au nombre de Nos serviteurs
sincères.
25 Tous deux coururent vers la porte, elle déchira par derrière la
tunique de Joseph. Ils trouvèrent son mari à la porte. Elle dit alors :
« Que mérite celui qui a voulu nuire à ta famille : la prison ou un
douloureux châtiment ? »
26 (Joseph) dit : « C’est elle qui s’est éprise de moi ». Un homme de la
famille de celle-ci (un témoin) dit : « Si la tunique a été déchirée
par devant, elle est sincère et l’homme est menteur.
27 Mais si la tunique a été déchirée par derrière, la femme a menti et l’homme est sincère ».
28 Lorsque le maître vit la tunique déchirée par derrière, il dit :
« Voilà vraiment une de vos ruses féminines ! Votre ruse est énorme !
29 Joseph, éloigne-toi. Et toi, demande pardon pour ton péché, tu es du nombre des coupables ».
7/ Savoir maîtriser cette attirance naturelle :
La femme de celui qui l’avait reçu dans sa maison s’éprit de lui. Elle ferma les portes et dit : « Me voici à toi ».
Nous avons évoqué la première dimension de la relation d’amour dans la
relation père-fils. Nous avons développé la notion de l’épreuve dans
l’exil. Nous voilà face à la troisième dimension de la relation d’amour,
l’amour entre une femme et un homme. Dieu fait vivre à Joseph un chemin
qui l’amène dans cette maison où il n’y a pas « la ilâha illallah » et
où il va vivre une tentation, la tentation d’une femme, la tentation des
sens. Comment va-t-il gérer ceci ? La femme de Al-’Aziz est extrêmement
belle et digne, elle est d’un rang social très élevé et l’on sait que
Joseph est très pauvre, beau et digne. Il s’agit tout d’abord d’admettre
que l’attirance est un phénomène naturel. L’attirance pour une belle et
digne femme, tout comme l’attirance pour un homme digne est quelque
chose de totalement naturel. Qu’est ce qu’on fait de quelque chose de
naturel ?
Lorsque l’on entend le discours de certains : « Ceci est naturel, fais
ce que tu sens. », nous ne sommes pas d’accord avec ce discours, dans la
mesure où tout ce qui est naturel n’est pas forcément bon. Il s’agit
donc tout d’abord de reconnaître que l’attirance est un phénomène
naturel et ensuite, il s’agit de maîtriser le naturel. En effet,
certains font comme si l’attirance n’existait pas, or c’est en étant
lucide dans l’attirance qu’on devient fort dans la foi car on regarde
les choses lucidement et on fait ce qu’il faut pour pouvoir s’en
préserver.
8/ La spiritualité avant le devoir :
Il dit : « Que Dieu me protège !.
La première attitude de Joseph correspond exactement à celle de son
père : le premier être cher auprès duquel il va chercher la protection,
c’est Dieu. Il revient à Dieu et ce n’est qu’ensuite qu’il pense à son
devoir : « . Mon maître m’a fait un excellent accueil. » Et ensuite, il
voit l’injustice : « . Mais les injustes ne sont pas heureux ».
Ainsi, Joseph va tout d’abord rechercher la protection de Dieu. Là, se
dégage le sens d’une foi profonde qui sait que Dieu protège, et le sens
du devoir envers l’homme ne vient qu’après. L’éducation islamique qui
permet de maîtriser ses sentiments, ce n’est pas une éducation qui met
en avant les principes, c’est une éducation qui met d’abord la foi dans
le cour pour comprendre les principes dans la tête. Car chacun d’entre
nous sait avec sa tête ce qu’il ne faut pas faire, on sait tous qu’il ne
faut pas mentir, qu’il y a des choses dont il ne faut pas s’approcher .
mais le fait de le savoir ne prévient pas de le faire. Donc la question
n’est pas de savoir ou de ne pas savoir, c’est d’avoir la lumière qui
nous permette d’agir selon ce que nous savons, et pour ceci, il faut
être proche de Dieu. En d’autres termes, l’important c’est la proximité
de Dieu dans la spiritualité pour mieux comprendre le sens de la limite.
Ce n’est pas enseigner les limites sans la spiritualité. Certains, au
moment d’enseigner l’Islam, oublient la dimension qui donne la force
pour se préoccuper uniquement de l’enseignement des limites. Mais, on ne
fait pas un homme en lui enseignant uniquement les limites. On fait un
homme quand on lui donne la lumière pour comprendre les limites.
Avant ton devoir sur la terre, se situe ta spiritualité qui te fera
comprendre le devoir. En effet, tu peux avoir tous les principes dans la
tête mais si tu n’as pas la foi dans le cour, tu ne respecteras pas les
principes. Citons un exemple quotidien, il arrive qu’on regarde une
émission ou un film et qu’on se dise dans notre tête : « Qu’est-ce que
c’est stupide ! » Mais ce n’est pas pour autant que l’on se lève pour
éteindre la télévision. Parce que, pendant que notre tête disait que
c’était stupide, notre cour disait : « Reste ». Car, si on n’a pas le
cour proche de Dieu au moment où il y a la prière, la tête a beau savoir
qu’il y a la prière, on reste à regarder des choses stupides à la
télévision. En d’autres termes, c’est le cour qui permet de maîtriser la
tête.
9/ Le signe :
Elle pensait certainement à lui, elle se serait donné à lui et il se
serait donné à elle, s’il n’avait pas vu la claire manifestation de son
Seigneur.
Elle était prête à se perdre mais lui se serait aussi perdu si Dieu ne
lui avait pas envoyé un signe. Concernant ce signe, certains
commentateurs disent qu’il a vu des versets, d’autres disent qu’il a vu
l’image de son père et cela l’a retenu. Dieu le met à l’épreuve de cette
femme et lui envoie un signe pour le retenir. Dans l’épreuve, Dieu nous
met toujours un signe que l’on voit si on a le cour ouvert, mais on ne
le voit pas si on est obnubilé par le mal que l’on a envie de faire. Il
est bon d’être attentif à ces signes. Par exemple, si quelqu’un
souhaitait se rendre à une soirée pas très correcte et rate le bus, il
doit voir en cela un signe pour rentrer chez lui.
Voilà vraiment une de vos ruses féminines ! Votre ruse est énorme !
Effectivement, une femme jalouse est rusée. Cependant, auparavant, les
frères aussi ont manifesté leur jalousie avec ruse. Donc, en définitive,
un être humain jaloux est rusé, homme comme femme.
Quatrième partie : Sourate 12 versets 30 à 33
30 Les femmes disaient en ville ( les femmes qui ont entendu parler de
cette histoire) : la femme du grand intendant (al-’Aziz) s’est éprise de
son serviteur. Il l’a rendue éperdument amoureuse de lui. Nous la
voyons complètement égarée.
31 Après avoir entendu leurs propos, celle-ci leur adressa des
invitations puis elle fit préparer un repas ; elle donna à chacune
d’elles un couteau. Elle dit alors à Joseph : « Sors devant elles ».
Quand elles le virent, elles le trouvèrent si beau qu’elles se firent
des coupures aux mains, elles dirent : « A Dieu ne plaise ! Celui-ci
n’est pas un mortel, ce ne peut-être qu’un ange plein de noblesse ! »
32 Elle dit : « Voici donc celui à propos duquel vous m’avez blâmée. Je
me suis éprise de lui mais il est resté pur. S’il ne fait pas ce que je
lui ordonne, il sera mis en prison et il se retrouvera parmi les
diminués (les misérables) ».
33 Joseph dit : « ô mon seigneur, la prison me semble préférable au
péché qu’elles m’incitent à commettre. Mais si tu ne détournes pas de
moi leur ruse, j’y céderai et je serai au nombre de ceux qui ne savent
pas ».
10/ La maîtrise du naturel :
Ces femmes vont comprendre la femme du grand intendant. Ces femmes,
aussi éloignées de Dieu, semble-t-il, que l’est la femme de l’intendant,
comprennent que l’on puisse tomber amoureuse de Joseph, un homme si
beau et si noble. Ces choses sont humaines et naturelles, mais pas
forcément islamiques. En effet, la beauté et la noblesse entraîne
l’attirance, mais il réside une grande différence entre ces femmes
éloignées de Dieu qui comprennent cette attirance naturelle et Joseph,
un homme proche de Dieu qui vit l’attirance mais qui veut maîtriser
cette attirance afin de ne pas commettre le mal et de ne pas devenir
ignorant.
A tous ceux, dans cette société, qui disent : « Mais c’est normal, c’est
naturel, laisse-toi aller, vis ce que tu sens. », il s’agit de répondre
qu’effectivement, l’attirance est un phénomène naturel, mais ce que
Dieu te demande, ce n’est pas d’aller au bout du naturel mais de le
maîtriser, de se purifier, d’aller du naturel vers le rapproché. Oui,
c’est naturel mais la révélation de Dieu m’invite à réformer ce naturel
et ce que je sens avec mon corps, je dois le purifier avec mon cour et
de mon cour essayer de maîtriser ce que je sens pour devenir pur,
transparent et faire comprendre à tous les êtres de la terre que je suis
un cour avant d’être un corps, que le jour où je donne mon corps, c’est
avec mon cour devant Celui qui m’a donné mon cour et mon corps. Ceci
fait partie de notre cheminement, de notre spiritualité. C’est ce
discours-là qu’il faut avoir. C’est naturel, mais tout ce qui est
naturel n’est pas forcément pur. Ma colère est naturelle, ma violence
est naturelle, ma jalousie est naturelle mais ma foi m’invite à
maîtriser ma colère, ma violence, ma jalousie, mon corps. D’une part se
trouve ceux qui vivent le naturel comme étant bon et d’autre part, se
trouve celui qui maîtrise son naturel pour être meilleur.
La femme de l’intendant a voulu tromper son mari, elle lui a menti, elle
a continué à vouloir cet homme au point qu’à la fin, elle fait preuve
d’orgueil et dit : « S’il ne fait pas ce que je lui ordonne, il sera mis
en prison et il se retrouvera parmi les diminués (les misérables). »
Quant à Joseph, il a pensé à Dieu, à son devoir et il termine par
exprimer la notion suivante que l’on peut aujourd’hui formuler ainsi :
« Dieu, si tu ne me protège pas, je vais tomber ».
Joseph dit : « ô mon seigneur, la prison me semble préférable au péché
qu’elles m’incitent à commettre. Mais si tu ne détournes pas de moi leur
ruse, j’y céderai et je serai au nombre de ceux qui ne savent pas ».
C’est une erreur de croire qu’avec son seul esprit, on peut face aux
attirances. Il faut être proche de Dieu pour être loin de cette
attirance-là. Pour se rapprocher de Dieu, il s’agit d’approfondir notre
spiritualité et il faut Lui demander Sa protection en permanence. Joseph
a tellement peur, il sent que c’est difficile, il arrive à demander la
prison. Les commentateurs disent qu’il va rester entre trois et neuf
ans, plus précisément sept ans pour certains commentateurs. Pour ne pas
tomber dans un instant de plaisir, il préfère sept ans de peine. Nous
devons méditer cela.
Lors de son séjour en prison, Joseph va témoigner du message de
l’unicité divine (at-tawhid). Et pour nous, en France, nous devons nous
souvenir qu’il est parfois nécessaire de vivre cet exil, qui ne sera pas
une prison, mais qui sera l’exil dans la spiritualité, l’exil à
l’intérieur de notre cour et parfois l’exil dans notre communauté, afin
de chercher la force dans notre communauté, pour trouver, dans la
spiritualité qui est la nôtre , la force de faire face. Mais ne croyez
pas qu’avec votre seul esprit, vous supporterez l’attirance. Car s’il en
est ainsi de Joseph, qu’en est-il de nous.
Nous devons donc insister sur les notions suivantes :
a.. se rapprocher de Dieu, travailler sa spiritualité
b.. s’entourer de ceux qui nous protègent de ces attirances.
b.. s’entourer de ceux qui nous protègent de ces attirances.
1 commentaire:
ce texte est magnifique, riche d'enseignement, je voit l'histoire de Joseph sous un autre angle dorénavant, merci. Le fait d'avoir méditer sur tout ce qui est écris me donne l'envie de me rapprocher de mon Seigneur.
Enregistrer un commentaire